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Le Burkina Faso face au terrorisme

www.noocultures.info – « Comprendre les attaques terroristes au Burkina Faso, profils et itinéraires », le journaliste d’investigation burkinabè, Atiana Serge Oulon s’est donné cette tâche afin d’éclairer le public. Dans son tout dernier essai, il donne des informations assez poignantes et édifiantes.

Le livre paraît début 2020 aux Editions burkinabè Emile Sia au moment où le Burkina Faso subit depuis 5 ans des attaques de plus en plus fréquentes d’individus non identifiés. En décembre 2019, le Burkina Faso comptait déjà 300 attaques terroristes qui ont fait plus de 150 000 personnes déplacées internes et près de 2000 morts. C’est dans cette atmosphère d’incertitude, d’inquiétude, d’interrogation et de peur que Serge Oulon, dans un travail très minutieux, s’est donné pour tâche de nous édifier.

Le rappel historique tient une place de choix dans le livre. En fin observateur, il voit les prémisses du danger de la crise malienne qui guette les pays voisins notamment le Burkina Faso. Car c’est à Ouagadougou que se tenaient les négociations pour la résolution de la crise au Mali. Il n’a pas fallu longtemps pour que le ver entre dans la pomme. La première attaque terroriste est enregistrée en 2016, deux ans après le départ de Blaise Compaoré, président au pouvoir depuis 27 ans et médiateur dans les crises de la sous-région.

Qui peut en vouloir au pays ? Le journaliste s’est lancé dans un travail de fourmi et il réussit à dresser un profil des hommes qui attaquent le pays, les mobiles, le parcours des assaillants, les ramifications avec des groupes terroristes bien connus dans les pays voisins. Des étrangers et des Burkinabè sont mis en cause.

En quelques années, toutes les régions du pays sont touchées au moins par une attaque. Mais la situation se dégrade particulièrement à l’Est et au Sahel. Cependant, les opérations de l’armée sont décriées par les organisations internationales des droits de l’homme, Amnesty International, Human Rights Watch et même les populations de la région. L’armée est accusée d’exécutions sommaires, d’exactions et de bavures. Les témoignages de population, de parents de victimes sont légion dans le livre.

Comme si le terrorisme ne suffisait pas, un autre phénomène vient s’ajouter : les conflits communautaires. Ils ont occasionné un déplacement massif de personnes. On comptait environ 1 million de déplacés internes selon les derniers chiffres du Conseil National de Secours d’Urgence et de Réhabilitation (CONASUR) en juin 2020. La pauvreté, le grand banditisme, la mal-gouvernance, les injustices sont entre autres des prétextes de radicalisation et de basculement dans le terrorisme soulignés par l’auteur.

D’où viendra le salut du peuple ? Le G5 Sahel ? L’armée Française Barkane ? L’Etat burkinabè ? Ces organisations n’ont pas bonne presse dans l’opinion publique. L’inaction du gouvernement est pointée du doigt. Le gouvernement ne semble pas prendre la pleine mesure de la
situation. Jusque-là le pays ne dispose pas d’une politique nationale de sécurité. Les frustrations sont énormes au point où certaines personnes regrettent l’insurrection et sont même nostalgiques de la paix d’antan.

Le désaveu de la politique française trouve écho dans la société burkinabè. Et l’auteur du livre écrit : « Il y a comme une manipulation intéressée de la lutte contre le terrorisme pour certains pays ». On se rappelle aussi les journées chaudes à Ouagadougou à l’annonce de la venue du président français Emmanuel Macron. Les étudiants étaient entrés en grève pour protester contre sa visite. Des jeunes, sous prétexte de lutter contre l’impérialisme, avaient même rebaptisé l’avenue Charles De Gaulle en Avenue Thomas Sankara.

Le livre a le mérite d’informer et de laisser à la postérité un témoignage sur un pan de l’histoire du Burkina Faso. La précision des dates et des lieux, la valeur des personnes interviewées, la qualité des extraits d’articles de presse, des extraits d’ouvrages, des statistiques et des références bibliographiques apportent du crédit au récit.

L’auteur lui-même est bien connu dans le monde de la presse burkinabè. Journaliste d’investigation, il avait réussi à être dans les secrets du « tout puissant » général de l’armée Burkinabè, Gilbert Diendéré, l’homme de main du président Blaise Compaoré, grand libérateur des otages dans la sous-région et auteur du Putsch manqué pendant la transition en 2015 au Burkina Faso.

Les confidences avec cet officier supérieur craint, redouté ou respecté et connu pour sa réserve, celui-là même qu’on nomme « la boîte noire du régime Compaoré », ont donné naissance à son deuxième ouvrage intitulé « Le général Gilbert Diendéré parle », sorti en 2018. Ce deuxième ouvrage est précédé de « Insurrection populaire d’octobre 2014 au Burkina Faso : Les trahisons ». Il s’inscrit dans la continuité de l’histoire du pays avec ce 3è ouvrage dont le titre en rouge est apposé sur une couverture noire, à l’image du drame que vit le pays.

L’effort de recherche du journaliste dans les zones à risques est à saluer. Il a un sens élevé de la responsabilité dans le traitement de ses sources d’information. Il ne verse pas dans la narration fortuite des faits. Les faits sont présentés en première ligne, et les arguments pour les conforter sont nombreux. Il y a eu de la rigueur, de la cohérence dans ce travail rédigé dans un style journalistique simple, fluide, assez digeste et à la portée d’un large public. Ce livre de près de 200 pages est une mine d’information, qui vous accroche dès les premières lignes et aiguise l’appétit de poursuivre jusqu’à la dernière page à la mesure de la soif qu’on a de comprendre les attaques armées au Burkina.

Reveline SOME (Stagiaire) ©www.noocultures.info
NB : Article produit dans le cadre de la 1ère session de la formation en critique d’art organisée par l’Agence Panafricaine d’Ingénierie Culturelle – APIC
Image en Une : ©Compte Twitter Sawadogo Anicet (@SawadogoAnicet)

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