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« Mitady ny tsy hita » (A la recherche des invisibles) : un projet pour mettre en lumière l’art malgache

www.noocultures.info – Durant le mois de février 2020, l’art malgache a été observé dans son contexte national mais également au niveau international. Une programmation a porté la réflexion sur ce qui se doit d’être désigné par « art malgache » à l’époque actuelle. Un projet curatorial intitulé « Mitady ny tsy hita » et une série de rencontres y ont contribué. Ces deux événements ont marqué un tournant dans l’histoire de l’art malgache, pour la perception et la connaissance de celui-ci. Un art placé dans son contexte insulaire, contemporain tout en s’appuyant sur les traces bien vivantes du passé.

En 2019, Madagascar était admis pour la première fois à la Biennale de Venise, par le biais d’une œuvre de Joël Andrianomearisoa, (artiste plasticien qui n’est plus à présenter sur la scène internationale). Pour l’année 2020, l’art malgache a fait l’objet de réflexions dans l’idée d’asseoir celui-ci dans son contexte local. Pour cela, une série de faits ont été mis en place dans le but de distinguer l’art malgache dans ses aspects intimes, terre à terre mais aussi complexes en raison de la situation géographique et de l’histoire de l’île. Une exposition intitulée « Habiter un espace intime » s’est ainsi déroulée du 17 février au 14 mars 2020. Des rencontres ont été organisées du 18 au 20 février 2020. Le rendez-vous du 18 février a permis à des artistes malgaches d’exprimer le ressenti qui les a poussés à réaliser des œuvres sur Madagascar. Tandis que les deux dernières journées d’atelier/rencontre visaient à porter un regard sur des œuvres et des artistes insulaires. Tout au long de cette semaine, Edouard Glissant, l’un des auteurs emblématiques de l’insularité a été cité à maintes reprises.

Habiter un espace intime : révéler l’art caché dans des objets du quotidien malgache

L’exposition intitulée « Habiter un espace intime » soustrait aux objets leurs fonctions quotidiennes pour les transformer en œuvres d’art ©Niry Ravoninahidraibe

Trois commissaires : Dounia Jauneaud, Miarifidy Rafolomahefarivony et Miangaly Randriamanantena ont travaillé conjointement à la réalisation de cette exposition. Celle-ci s’est déroulée à deux endroits : dans la salle d’exposition du Centre de Ressources des Art Actuels de Madagascar (CRAAM) sis à l’Université d’Antananarivo et dans une maison à Ambatomandeha. Selon elles, « L’exposition repose avant tout sur une croyance de l’art comme catalyseur d’émotions et nous avons totalement foi en la puissance des œuvres. ​Nous souhaitons passer outre un cliché identitaire qui enfermerait les artistes et les œuvres malgaches à une question purement territoriale voire pire, folklorique ou exotique».

Autrement dit, ce projet curatorial a tenu à déconstruire les clichés et à mettre l’accent sur les émotions suscitées par les œuvres. Et le résultat est plus que probant, l’effet escompté est immédiat, les objets et les photographies exposés peuvent difficilement laisser indifférent le public malgache. Les émotions sont provoquées par le fait de reconnaître les objets qui appartiennent à cette culture. Dans le cas d’un public malgache, l’exposition inviterait davantage à l’évidence plutôt qu’à la réflexion. « Habiter un espace intime » est une réalisation qui octroie des aspects esthétiques à des objets insoupçonnés du quotidien malgache. De plus, les commissaires avaient aussi dans l’idée de faire dialoguer le passé et le présent. En effet, le passé est omniprésent étant donné que la culture reste, elle perdure par ces quelques objets qui permettent aux Malgaches de se souvenir de qui ils sont, peu importe où ils se trouvent.

Conformément au titre du projet « Mitady ny tsy hita », cette exposition permet d’avoir un autre regard sur cet art malgache existant mais que l’on distingue difficilement. Les deux endroits dédiés à celle-ci se complètent. Toutefois, la partie qui a investi La Maison à Ambatomandeha (Betsizaraina) a fait découvrir un lieu doté d’un esthétisme spécifique qui ne pouvait pas laisser indifférent.

Si cette exposition a mis en avant des objets présents dans les habitations malgaches, en définitif, c’est cette Maison qui nous habite et qui demeure comme la dernière œuvre qui enjolive davantage l’exposition qui s’y trouve.

La Maison à Betsizaraina, une œuvre d’art aux allures haut en couleur abritant l’exposition « Habiter un espace intime » ©Niry Ravoninahidraibe

L’art malgache aux côtés d’autres expressions artistiques insulaires

Le mercredi 19 et le jeudi 20 février 2020, des rencontres/Ateliers se sont déroulés. Les deux journées de partage ont tourné autour du thème : « Identités Archipéliques : Arts insulaires entre mythe et matérialité. Approches de l’Indianocéanie ». Les intervenants venant de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (ED APESA) et de l’Université d’Antananarivo (EAD 7 et ED SHS) se sont exprimés sur des expressions artistiques (art plastique, littérature et musique) permettant d’aborder le concept de l’insularité. Les exemples se rapportaient à l’Océan Indien ainsi qu’aux Antilles. Ces ateliers ont fait rappeler différents concepts rattachés à l’insularité : le métissage, le déracinement, la quête identitaire, l’enfermement ou au contraire l’évasion, le spectre de la déportation, le refus ou l’acceptation d’un passé douloureux. Il ne serait pas inexact d’avancer le fait que ces rencontres ont permis de voir que les artistes insulaires sont portés sur des questionnements visant à mieux appréhender le passé.

Atelier/Rencontre du 20 février à l’espace Dera Tsiadana ©Guillaume Robillard

En définitif, le projet « Mitady ny tsy hita » est une proposition louable ayant permis la relance ainsi que l’élargissement des discussions et des perceptions de « L’art malgache ». Les différentes rencontres ont aidé à replacer cet art dans son contexte en le comparant et le reliant à d’autres arts insulaires. Quant à l’exposition intitulée « Habiter un espace intime », c’est une démarche artistique empreinte d’une simplicité saisissante et d’une légitimité certaine.

Par Niry Ravoninahidraibe (Collaboration) ©www.noocultures.info

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